PREFACE
Et si chaque instant n’était plus une réécriture de la mémoire…
Le recueil s’ouvre sur les spasmes de la masse océanique, écume indigo, abjecte et fascinante peinture, que borne un sempiternel horizon de théâtre. Le poète est entré dans l’océan et regarde le ciel, tournant le dos au principe féminin, il fait l’amour aux nuées qu’il recherche à la limite de la noyade, dans un milieu aquatique qui est son origine sans être sien. Les algues du sexe y dansent dans les profondeurs, nausée et désir de l’existence entre fertilité et putréfaction. Le poète se rit de lui, enfant au maillot de bain, il goûte un instant les émotions de sa peau. Pourtant il a pénétré le chaos des passions, prêt à être balloté, prêt à se perdre dans les jours. Sans sublime, sans tragique duquel il ne garde que le revers comique, sans destin ni fatalité, sa parole se coule dans la dérision. Il se noie et il nage, dans le creuset, le vertige de toutes les correspondances baudelairiennes où toute frontière est franchie, confluences de la vie et de la mort, de l’origine et de l’anéantissement, de la femme et de l’homme, submergés et immergés ; disparition et contemplation, où toute écriture est silence. Savie, femme froide le regardant innocemment couler, revêt soudain la beauté polaire de l’océan glacial arctique, blanche et bleue, virginale, apparition charnelle qui en son dernier avatar est sensualité languide.
__________ A cheval sur l’équateur vêtue de l’équinoxe d’automne flamboyant
Lavie sourit de le voir s’emmêler dans la turpitude des eaux mélangées
Savie s’envase de rire ———— ses larmoiements tombent dans sa bouche de nageur
égaré ———- plus jamais Il ne cherchera de port dans les yeux de cette saisonnière
Matrice de l’univers, donnant la vie et la mort, déesse nervalienne, l’éternelle Isis est sirène qui tend sa bouée, bouche d’innocence, son ultime piège.
Il nage contre vents et marées
jamais avec plaisir
redoutant d’être absorbé par une déferlante insensée venue d’une terre lointaine,
jouissance perverse au nom de l’espoir.
Il nage jusqu’au point de rupture des eaux mélancoliques de Lavie.
Savie le regarde s’égoutter en frissons
tenter d’engrosser les vagues opportunes et stériles
Elle devient vague,
le projette sans bouée affective dans le tohu-bohu des arrangements entre lui et lui,
lui et elle,
Savie est saisons avec lesquelles il se refuse à renaître et mourir, il nage à l’envers du temps, dans les ralentis de la chair temporelle. Dans la tempête se dessine la résonance de la mer et du ciel. Le monde devient d’une singulière beauté. Le paysage au-delà sera d’une immortelle persistance rétinienne.
En contrepoint de cet espace maritime et céleste, où s’ébat un bestiaire fabuleux de baleines et de phoques polaires, un autre paysage s’impose, celui d’un cimetière, où les tombes présentent le désordre hasardeux de quilles basculées. Une humanité s’y presse de peur.
Ailleurs, la rue dessine le chemin salvateur de la ville, où la poésie, femme offerte de la nuit, lui donne du feu. Le pavé y brille de tous les alcools et fumées illusoires. Ulysse aux mains détachés, lisant et écrivant d’une même onde qui délie, le Poète écrase les lèvres de la Poésie, en gommant le rouge à lèvres, jusqu’au prochain spasme de la passante.
Se détacher de ce qui attache mais pas de ce qui bouleverse l’émotion vibrante de la peau
Le temps est là dans le corps de la sexualité
pourquoi l’amour qui aime serait plus important
que celui qui estime ?
aucune émotion n’a besoin d’éternité
« … JE te caresse… propose-t-elle… »
__ son Je l’effleure…
Dans la série des humeurs nodales (1 à 14), un homme et une femme se rencontrent. L’approche, corde vibrante, maintient le lien du tu et du je, entre grâces et claudications d’oiseaux maritimes. Le poète s’abandonne enfin aux douceurs de l’espoir sans crédulité, déshabillant l’amour d’une intermittence à l’autre, nœud à nœud. Rien n’est détruit, tout est à venir, côte à côte.
L’amour pour le plaisir de nos sens est donc à portée demain…
maintenant !
Dans le chaos masculin féminin qui désenchante, le poète dénoue le corps de ses mots et peut-être jusqu’à nous, lecteurs funambules de ses failles.
Dans les cimetières, de la fosse des mémoires, le Poète parle de si douce voix à celle qui appelle ou n’appelle pas, à celle qui n’a pas de mots et l’impossible savoir de l’autre mais le fado, chant des amours provisoires. La voix de nuit pénètre les mensonges, les laideurs toujours recréées, les jamais assez et les toujours trop des révoltes, des rencontres et des lassitudes. Le désir s’éteint avec les lumières de la ville, les mots se déboîtent.
des lumières tombèrent
lucioles sur le trottoir souillé par les claudications __________________ des chauves-souris de présage sans avenir…
Dans ce parcours s’inscrit l’écriture comme la seule impasse possible sous condition de gommer ce qu’on pourrait en dire. Une matière s’y travaille de mots rares, où les concepts s’architecturent dans l’épure, se calligraphient d’espace blanc et de respirations, spasmes ou souffles longs, de leitmotive en variations.
Un matin l’aurore sera masculine et le crépuscule féminine.
_______ les humains réuniront leurs mains en une coupe et pleureront dedans des rêves abîmés
En cette substance, Savie, est un art poétique liminaire qu’il faut interroger inlassablement comme les échos de Maria Gabriela Llansol ou de Roberto Juarroz. Autant de motifs pour tisser les labyrinthes savants qui mènent à la réconciliation. D’une humeur nodale à l’autre, chaque nœud s’offre dans sa mystérieuse, impérieuse vitalité, spirale désoxyribonucléique. Paternel est un de ces liens dédaléens.
Autre spasme, celui de la colère et d’une humanité fustigée en son arrogance ignorante.
Rien ne faire rien sourire en pleurant
partir en arrivant
arriver en partant
rien ne rien faire contre l’esprit mourant
Saisir une opportune main
la mettre comme loup sur les yeux
se dire qu’aveugle et chancelant n’est pas pire qu’être sot et vaniteux.
Le poète poursuit sa solitude, travaillant le medium d’un nouvel amour où la femme et l’homme se retrouvent, à côté. Le poème de Paul Géraldy, dans les derniers mouvements du recueil ménage un écho à cette connaissance de l’autre, tendre intimité. Savie est enjeu dans la quête poétique de la femme au portrait impossible où l’or alchimique affleure d’un regard et d’une chevelure. La sexualité en cascades et mots en chaos se fraye toutes les issues de la liberté dans le dictionnaire amoureux. Les nœuds se sont déroulés jusqu’à leurs noyaux.
Belle…
Fumée de cigarette presque fumée
sous la pluie
un réverbère
sous la tarlatane nuiteuse
un regard érotique
sous son regard érotique
un parfum de tabac blond
dans la chambre
la cigarette de cette autre femme assise sur le lit
sa fumée claudique sur le dessus-de-lit.
Ses jambes se croisent se décroisent,
ses yeux lavés de tout soupçon,
ses lèvres dépeintes,
son corps effeuillé.
Sa peau est belle,
la nuit voudrait la lui voler pour s’en vêtir
pour faire la coquette au soleil
comme ces deux femmes qui n’en sont qu’une
la nuit à l’aube
La nuit est tombée sur Paris. Une femme fume sous un lampadaire, de l’autre côté de la vitre, un homme la regarde. Y puisant désir et ivresse légère, ses lèvres effleurent un verre de Picpoul de Pinet.
La nuit serait consolation si tout faisait corps en son revers :
être…
la suite de cette envie intemporelle de l’autre.
Yveline Vallée
Quatrième de couverture
Dans ce parcours s’inscrit l’écriture comme la seule impasse possible sous condition de gommer ce qu’on pourrait en dire. Une matière s’y travaille de mots rares, où les concepts s’architecturent dans l’épure, se calligraphient d’espace blanc et de respirations, spasmes ou souffles longs, de leitmotive en variations. En cette substance, Savie, est un art poétique liminaire qu’il faut interroger inlassablement comme les échos de Maria Gabriela Llansol ou de Roberto Juarroz. Autant de motifs pour tisser les labyrinthes savants qui mènent à la réconciliation.
Autre spasme, celui de la colère et d’une humanité fustigée en son arrogance ignorante. Le poète poursuit sa solitude, travaillant le medium d’un nouvel amour où la Femme et l’Homme se retrouvent, à côté. Savie est enjeu dans la quête poétique de la Femme au portrait impossible où l’or alchimique affleure d’un regard et d’une chevelure. La sexualité en cascades et mots en chaos se fraye toutes les issues de la liberté dans le dictionnaire amoureux. Les nœuds se sont déroulés jusqu’à leurs noyaux.
La nuit est tombée sur Paris. Une Femme fume sous un lampadaire, de l’autre côté de la vitre, le Poète la regarde…
_____ Et l’autre et l’une deviennent la même nuée souple _____ la même présupposition ________
La nuit serait consolation si tout faisait corps en son revers.
A propos du recueil de Mandin « l’Homme détaché » paru en Décembre 2016
Par Elisabeth Chaizemartin Chabrerie
Conscient, lucide, désabusé, il dessine ses humeurs dans la clarté grisée abritée de mensonges.
Les âges sont sans âge et la terre aveugle ouvre ses entrailles au ciel qui pleure des étoiles dans son cœur.
L’amour se meurt dans le regard enneigé de l’Homme en quête d’amour. Croire au coucher de soleil ou s’envoler… Jouer avec les mots et détourner leur sens, pousser les limites de l’absurde, laisser mourir l’éphémère, déranger les apparences, les bousculer, dérober à la rue des amours qui s’affichent puis rejoindre sa solitude… Telle est la promenade de l’Homme détaché.
La pluie n’a pas de toit pour l’abriter, la nuit l’enferme dans un cauchemar, la mort guette l’amour, l’amour rougit de ridicule, le fado enveloppe sa vie … Ainsi va l’amour de l’Homme détaché.
Le temps passe comme les pleurs, la porte se referme sur une métaphore et chasse toute trace d’émotion. Le plaisir à l’ombre de la lumière doute de lui, la défiance jette l’amertume sur ses mots… Ainsi va le désir de l’Homme détaché.
Elle se fait l’esclave de ses tourments, lui promet l’éternité de ses sentiments qui se diluent au vent, dans le silence endort le chagrin de l’enfant qu’il est, puis s’abandonne à Lui. « La robe sur son corps c’est sa chair fleurissante » elle dérobe au soleil son rouge orangé, les courbes de son corps épousent l’arc en ciel… Ainsi va le rêve de l’Homme détaché.
Les oiseaux de proie se faufilent dans ses pensées, ses pensées se bousculent dans son corps fatigué. Il ouvre les yeux sur l’amour aveugle et dépasse le temps qui passe. Comme un clown sans sourire il veut « mourir paisible jusqu’à la fin du vivre ».
Il est rattrapé dans sa fuite par le désespoir comme la mort rattrape la vie.
Un corps à corps avec son âme n’aura pas raison de sa douleur ni de ses saveurs.
Elisabeth Chaizemartin Chabrerie
A propos du recueil de Mandin « l’Homme détaché » paru en Décembre 2016
Paru ici : http://lesmardisdejeanlou.blogspirit.com/mandin-poete/
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