Si cette femme était dans ma vie, elle ne serait plus dans mes livres !
Léopold von Sacher Masoch
La Lectrice.
Trouver ma Lectrice,
percer ses secrets en lui offrant des mots dangereux,
des sens ambigus,
des mensonges calligraphiés comme des serments sacrés…
(…)
Le mot écrit se transforme après dilution dans la lecture,
que devient-il ?
… mettre ma tête sur son épaule,
la regarder lire…
Et puis me taire,
m’estomper,
me résigner à être celui qui écrit…
… me cacher dans son ventre,
pour ne plus écrire,
dans le même éclaboussement,
que l’enfant arrivant au monde…
La satisfaction d’un mot tient le poète par le bout des yeux.
Sur ses lèvres j’apporterai des mots élevés aux confins de l’univers des belles lettres…
Elle s’aime diluée dans le poème d’un autre,
elle aime se diluer avec les émotions d’un autre.
Je dilue alors ma tristesse dans des rires océaniques,
sans saveur,
sans mémoire.
Je regarde…
les plantes pousser…
Les animaux s’entre dévorer…
Les humains s’entr’aimer…
Je pense à Baudelaire …
à Helder,
à Juarroz,
à Holappa,
à Rodriguez,
à Guillevic,
…
Au chat qui ne rêvera jamais d’être un Poète…
… à la particule qui se rêve démiurge.
Savoir en l’ignorant :
… son corps se diluer dans les eaux de l’existence,
… l’eau de son bain me voler mes caresses,
… me dire qu’Elle lit mes mots avec ses yeux…
avec son âme,
son ventre,
assise devant la fenêtre grande ouverte, par laquelle s’envolent les poèmes saturniens, dans l’immense ciel compréhensif…
de l’empyrée théâtral des Poètes…
pas encore morts.
Alors les mots authentiques et leurs mots-fantômes se diluent dans les interprétations.
Mes poèmes animés ressentent son corps s’endormir.
… mes vers sont orphelins de ses humeurs…
Comment faire pour que le bleu devienne l’histoire de ses yeux ouverts ?
L’histoire de…
Mais de quoi est-ce que je parle ?
Me diluer !
Renoncer à voler, l’eau de la mer dans ses plis, le vent dans ses cheveux, le sel, amer,quand elle devient la Femme, cette Lectrice au sexe verbeux…
Pour que cette particule d’atome irradie son impatience de connaître la fin de l’histoire,
le mot qui dit tout,
en tournant la page.
Poème dilué dans l’histoire des regards insolents.
Écrire un poème pour combattre les vents du sud,
sculptant son corps dans les lumières.
Pour en finir avec l’amour de l’autre diluant sa mémoire dans l’amer des vagues étrangères.
Femme serpentant entre ses regards,
les mots allument ses pupilles avec du bleu,
souvent un peu vert comme les vagues,
se souvenant de son corps nubile,
quand dans la poésie elle cherchait une aventure pour son âme peureuse.
Avant que le poème fasse son effet !
Qu’ai-je à faire de ses souvenirs qu’elle dilue dans les miens !
Écrire pour elle seule ?
Mais alors pourquoi ne pas écrire directement sur ses lèvres ?
L’appeler TU ; glisser des mots espions dans ses lectures.
Ils me doivent au moins ça,
mes mots,
me rapporter leurs histoires dans une autre bouche !
… me terrer entre deux lignes de son corps…
Tu le sais Poète dilué dans les formes verbales,
la Lectrice n’appartient pas à l’écrivain,
seulement aux mots qu’il écrira… en lui faisant l’amour entre deux pages…
LIRE : du latin legere, au sens de « recueillir par les yeux », « lire ». Le latin legere avait aussi le sens de « ramasser », que l’on retrouve dans cueillir et collecte; celui de « choisir » est présent dans élire, légion, sélection ou élégant, enfin celui de « recueillir par les sens », « discerner » dans intelligence