PRÉFACE de CHRISTIAN MERLETTE (Poète et chanteur.)
Je connais Mandin depuis un demi-siècle. Je peux assurer que ce livre magnifique est tout à fait singulier dans sa bibliographie.
Considérons Femmes d’Autres comme « le dictionnaire » de Mandin au cœur de son authenticité.
Secret, fragile, en quête de La Femme, il ne cesse de la chercher et l’intériorise en la sculptant avec ses mots, reflets de ses perceptions qui nous font vibrer. Femme unique déclinée en de multiples facettes, il dessine La Femme et son mystère, inatteignable mais non idéalisé. Car elle est mystérieuse n’est-ce pas, à l’instar du Poète qui la regarde et s’en saisit.
En choisissant Lamia peinte par Waterhouse, Mandin nous donne un premier indice du voyage qu’il nous propose. En effet, au travers des multiples légendes qui la portent, Lamia est tour à tour amante de Zeus, sorcière exigeant le sacrifice d’enfants, créature surnaturelle aux effets néfastes, séductrice de jeunes hommes aux fins de les assassiner… La plupart du temps, Lamia a le pouvoir de s’enlever les yeux.
Waterhouse a peint deux tableaux de Lamia. L’une est agenouillée devant un soldat en armure qu’elle s’apprête à séduire. Sur le tableau, choisi à dessein par Mandin, elle est seule, alanguie comme si elle se savait regardée par son objectif. Qui serait Zeus, l’enfant dévoré, le jeune homme piégé… ou les trois à la fois. (La couverture.)
Mandin, par le prisme de la photo, comme Lamia, pour notre plaisir et notre étonnement, a enlevé ses yeux réels pour porter un regard intérieur sur la FEMME, qu’il ne peut ou ne veut voir directement.
Ces Femmes d’Autres, Mandin les a kidnappées en les remodelant, les sublimant chacune à sa façon.
Elles vivent en lui au point de faire partie intégrante de son affect et de sa mémoire de Poète et, sait-on jamais, deviendront-elles à jamais éternelles.
Les superbes textes qui accompagnent les tableaux/photos en sont les témoins.
Dans cet admirable travail artistique et créatif, commencé il y a 10 ans, Mandin se dévoile comme il ne l’a jamais fait dans ses précédents ouvrages. Il livre, à qui sait les saisir, la plupart des clés et codes pour le connaître dans son essence poétique et son cri intime, repris d’Eluard : « je suis perdu ».
Cette idée de Femmes d’Autres me fait aussi penser à Antonin Artaud et son enthousiasme pour le théâtre balinais, quand le comédien s’efface derrière le masque pour laisser la place à la Théâtralité pure. De même, avec ses portraits, Mandin efface pratiquement la réalité de ces Femmes d’Autres pour mieux les sublimer à sa façon et pouvoir se les approprier avec ses mots. La poésie et son double ! « J’ai souvent cherché tes coulisses/J’ai oublié tes décors » (Sylvie). « Certains acteurs restent à terre/devant une salle vide de toi » (Anna Maria)
De Berthe : « pour voir le dessous des choses » ; Julie « de ce lointain/ne me parvient aucune errance/ce silence m’invite à une autre enfance ». Noëlle « Tel un oiseau fatigué des migrations/si je pouvais une seule fois/me reposer/en buvant la tristesse de ton sourire(…)sur le bord de tes doigts » à Elisabeth « Qui a besoin d’espoir pour chanter la vie ? » C’est chez lui et en lui que Mandin nous invite.
À la barre depuis son poste de commandement, il nous pêche littéralement à l’aide de ses photos mirages et de ses mots voyages. Il tient d’une main ferme les lignes poétiques qu’il nous tend, sans les leurres des photos travaillées en vis-à-vis.
Chaque appât qu’il nous offre est un morceau de sa vie que nous gobons, avec délectation :« Il n’est pas de version idéale des raccourcis/dans mes pensées hédonistes » (Claudie). Évidemment, les références à Braque, Desnos, Reggiani, Faulkner, Goldoni, Mozart, Sophocle, voire Lautréamont… lui appartiennent !
Ces 24 femmes qu’il poétise ne sont pas siennes mais femmes d’autres. Il le dit lui-même : « Certes, aucune d’entre-vous n’a jamais vu se lever les aurores de mes pluies/ni / appris des caresses / à mes nuages ignorants».
Il a raison, physiquement et sensuellement « cheveu après cheveu/je moissonnerai tous les secrets » (Dominique) ;«et /fringant/de boire tes rosées ciliaires de smalt» (Jeanine)… Mais il nous ment symboliquement pour notre bonheur puisqu’il dévore/détourne leur image pour la faire sienne – c’est aussi son penchant Lamia. D’ailleurs, le dernier portrait de cette séquence, c’est lui. Il est « Toutes » les Femmes d’Autres à la fois !
Ces Autres ! Parlons-en aussi ! Quand Rimbaud écrit : « je est un autre », Mandin pense : « les autres sont je » ou plutôt : « les autres sont jeu » Et, en l’espèce, Mandin joue chez lui, à domicile, avec grand talent… « Dans cette cour des à priori/tu triches à quel jeu ? / Je ne le saurai jamais».(Annick).
Lisez le dernier portrait, le sien. Quand Mandin écrit : « Vous êtes toutes là/émoi »…Il faut évidemment lire : « Vous êtes toutes là/et Moi ! »
LaPassante… elle n’est pas une piétonne de plus, elle n’est pas suivie, elle est devant le Poète. Je ne peux m‘empêcher d’entendre Brassens chanter le magnifique poème éponyme d’Antoine POL qui, la veille de sa mort, écrivait : «Au fond, qu’est-ce qu’une humaine existence ? Un fugace éclair de conscience…»
Mandin, lui, le dit à sa manière : « La Passante… seule poésie lumineuse dans la tristesse des rues».
Chez Mandin, la Passante, est la Femme fantasmée dans toutes les femmes et les femmes fantasmées dans le mystère de LA FEMME. Ici il n’y a pas d’outrage, seulement du recueillement théâtral.
Ne peut-on pas se demander si : « l’aventure humaine » d’Antoine Pol intéresse le poète MANDIN. Se définit-il seulement comme humain dans son aventure poétique ?
Pas sûr car sa voie est toute tracée, depuis longtemps à travers son œuvre. Il est Poète avant que d’être humain et la symbolique de la femme l’obsède comme le Parfum de Patrick Süskin.
Alors, donnons-lui la main pour connaître ses « Femmes d’Autres » et suivre avec lui sa « Passante »… Donnons-lui l’amour de le lire et de voir dans son livre de Poète, quelque chose d’intime: « Un fugace éclair de conscience » une « Poésie lumineuse dans la tristesse des rues».
Le livre FEMMES D’AUTRES est disponible dans toutes les bonnes librairies en France, Suisse et Belgique dès le 8 mars 2020 ou en ligne aux éditions Lanore.
Nos amis libraires peuvent également commander le livre auprès des Editions Fernand Lanore,
pour la France et le Québec : Dilisco,
pour la Belgique : La Caravelle,
et pour la Suisse : Servidis
« Femmes d’Autres » est suivi par « La Passante »…