Roman publié en 2018
PREFACE de Amy Lou.
Pour que ce livre existe il faut que quelqu’un le lise. « Liseuse lisant non pas pour aimer L’Étoile Polaire mais la comprendre. » C’est pourquoi je me propose en tant que liseuse de vous présenter les trois personnages clefs de ce fabuleux roman : Bicause, Péllucéo et Companère.
Bicause a poussé Dieu au suicide, car Dieu est le comédien de la perfection et Bicause n’aime pas la perfection. Il s’est détourné de la féminitude, cet idéal de pensée lui est indifférent. « Les femmes sont devenues étrangères à mes fantasmes, la fragilité de mon âme n’a donc plus à redouter un abandon » , marmonne-t-il, épuisé par les méfaits qu’il vient d’accomplir froidement. Il n’agit ni dans le bien ni dans le mal, mais actionne une à une ses marionnettes en les incarnant tour à tour. Il sait se loger dans nos illusions et inventer des fables ; expert dans l’art des duperies affectives c’est le parasite de notre âme. Personnage translucide, être de papier sans passé et sans avenir, il se fond dans la foule des anonymes. Être translucide est son désir le plus cher.
Choisissant le camp des bourreaux, le personnage d’Ernest Péllucéo est sans doute le plus équivoque, sa perfidie est tout autant masculine que féminine. Il admire la corruption, le carriérisme, le crime pour arriver à leurs fins ainsi que l’hypocrisie sous le masque d’une religion. La brutalité comme idéal, l’humiliation comme passe-temps, le sadisme comme plaisir, la dégradation des genres, comme expression de sa personne, tel se présente à nous Péllucéo, revendiquant avec fierté sa double identité de barbare et de poète. Ne parlons pas de délire ni de folie, mais simplement de l’antihéros d’une société gangrenée par les crimes… Soumis à ses pulsions, il fonctionne en roue libre et circule arborant sans complexe son dimorphisme. Pourquoi ne pas devenir mystique pour échapper au désordre de sa pensée ? Il faudra bien un jour qu’il trouve une couverture à ses agissements maléfiques…
Pour Companère, les dés sont jetés à sa naissance : « La sage-femme à la place de la traditionnelle claque dans le dos agita mon pénis, point de cri, un sourire paraît-il. » Il déverse sa hargne et son mépris sur son géniteur, fonctionnaire en manque d’ambition et noyé dans le vice.
Sa chimie de l’amour est de ne pas aimer, son imaginaire amputé le prive de ses membres. Pas de sentimentalité clame-t-il, impuissant devant ses désirs inassouvis. Ermite diabolique parmi les aigles, l’air et les pierres, il répand ses frissons libidineux sur « l’épiderme souple, doux, blanc et nacré » d’une prostituée.
Mandin ne cesse de nous surprendre, de nous offusquer, de nous dérouter par ses scènes burlesques aux mots cavaliers. Comique de situation, envolées érotiques et scènes de crimes se rejoignent étrangement dans « la nuit des clartés » ! Mandin nous invite à réfléchir sur le rôle de la société dans son rapport aux crimes et sur la vocation de certains à devenir un bourreau. Ainsi s’exclame Péllucéo : « Les mythes fondateurs nous ont dupés, l’humain s’est déguisé en petit enfant d’un Dieu, il a ensuite élaboré une morale de la honte. Le plus horrible n’est pas le crime d’un homme mais la lâcheté d’une société, qui cherche la responsabilité de la victime. Je suis passé dans le camp des bourreaux, il y a plus de temps libre que dans celui des victimes. »
À travers les tribulations de ses trois personnages l’auteur nous conte aussi la mutation d’une société où la parthénogenèse finirait par triompher : les hommes réduits à l’état de chapons laisseraient les femmes enfanter, ensemencées par leurs discours d’hommes.
« Ses seins sont fort beaux, ils ballottent, outres à la selle d’un cavalier. Son pubis glabre ne cache point la vulve qui s’écarte à chaque enjambée, gobant un rayon de lune. Marchant dans cette clarté blanche et noire, le corps troublé par une nouvelle émotion lumineuse, laissant derrière ses pas une forte traînée de Chanel N°5. »
L’Étoile Polaire, un ouvrage déroutant et envoûtant où le délire et la mort désincarnée sont omniprésents. Un roman remarquable dont l’auteur possède parfaitement les clefs : la connaissance saisissante d’une certaine pathologie, des références culturelles captivantes et le talent du conteur.
Amy Lou
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