Recueil de poèmes « RÉMINISCENCES »
Préface d’Alice Machado*
« Avec un dernier vers
j’ombrerai d’aurore
Les contours de ma vie ».
Mandin
La poésie de Mandin tente de redéfinir la mémoire, avec la volonté incessante de rassembler ses souvenirs éparpillés, les retenir, pour les tisser de nouveau, dans une quête quasi désespérée, dans la crainte d’une désagrégation tant temporelle que spatiale.
Semblable à un peintre, le poète veut laisser derrière lui, la trace qui intrinsèquement restera le fil conducteur de ce recueil poétique. L’âme ressent dans la naissance de l’aube ce confus néant, nous laisse entendre l’auteur de Réminiscences.
L’impossibilité de saisir l’Autre, de se saisir soi-même, et le Temps surtout, avec ses horloges, souvent citées dans le texte, ses chevauchées d’amour, de deuils, de délices et de souffrances, inhérentes à ce corps poétique, chargé de figues de style, de recherches littéraires.
Dans la solitude ils dansent ! … Il faut retisser pour retenir, pour se ressouvenir.
Ainsi dans le Tisseur Mandin écrit :
« Tissant nos silences avec le fil de notre histoire. »
… la nudité s’habille d’elle-même la retisser devient nécessaire pour s’en souvenir… »
L’auteur possède l’art de faire passer avec aisance, une certaine tension dans ces textes, semblable à un jeu de rôles, l’idée de l’accomplissement dans le non-accomplissement.
Le sujet se dédouble, l’universel se multiplie. Les personnages, les sentiments, les objets surgissent, chargés d’histoire.
Sur les pas de ce parcours poétique propre à Mandin, nous retrouvons l’évocation du soleil, l’errance, le vertige et la jubilation, la douleur, le foisonnement des lieux parcourus par le poète, transfigurés par son imagination, pays où les songes pourraient devenir palpables, là où la nouvelle genèse qui transcende les désirs, passés, présents, futurs, dans la vison de ce moment idyllique, dans ce monde de tous les possibles, qui est certainement pour Mandin le « vrai lieu » ayant le pouvoir s’auto-régénérer.
Au fil des poèmes le lecteur est me semble-il saisi par ses propres ressouvenances, oscillant entre le défini et l’indéfini, la certitude, l’affirmation et la négation, parfois même dans le corps du poème et les éléments liés ne peuvent l’être qu’en apparence.
« La poésie écrit Jakobson, affirme en même temps qu’une chose est et n’est pas. »
Les poèmes se tiennent, comme liés par la chair de mots choisis par l’auteur. Le texte est mis à nu, devant nos yeux, il nous est offert et cependant il reste un mystère à décrypter.
Mandin a répondu aux exigences du désir, il a construit des formes poétiques où figure son angoisse du temps, la violence des ses phantasmes, et des fantômes, qu’il tente d’incarner et d’enraciner dans une expérience réelle, donnant la sensation qu’il veut mettre en jeu sa propre existence, s’inscrivant lui-même dans le tissu de ses souvenirs. La récurrence des thèmes tels que la folie, la mort, l’amour, l’amitié, la fuite inérable du temps sont ici sublimées par l’Art : la musique, la peinture, la poésie surtout, lieu physique et psychique, là où tout devient possible, là où le poète peut revêtir la robe de « la mère penchée » » cette figure féminine qui elle seule, peut engendrer le corps du texte.
Que le lecteur ne s’y trompe pas ! … Mandin, malgré ses désir d’eaux troubles, l’impression d’un certain égarement, qu’il laisse volontairement vagabonder, flottant dans la ouate, naviguant entre le clair/obscur, compose son texte, dont les notes sont tenues par une ligne rouge tricotée dans l’ angoisse existentielle de la vie et de la mort, la fuite vers le rien, où il essai de mettre en scène sa propre expérience du gouffre. Pourtant, rien ne peut être perdu, les souvenirs se régénèrent, car tout peut être racheté par ses Réminiscences…
Les thèmes abordés, le choix du vocabulaire, l’alcool, la fumée, les parfums proches et lointains, les voyages, le tout voilé par une brume crépusculaire, ne pouvant laisser le lecteur indifférent. Il nous est offert dans ce recueil un sensible goût de l’univers des poètes maudits, un zeste de Rimbaud ou encore une parcelle de Baudelaire, comme nous pouvons le noter dans certains de ces vers comme :
La saison ma sœur éternelle » :
« c’est fini les fleurs
…
le cortège des parfums s’en est allé
et les feuilles d’or
rouge aussi et d’orange
et de vieux vin encore… »
Ressentons la volonté de l’auteur qui veut tracer dans la chair du poème, dans structure architecturelle des mots qui soulèvent l’énigme, tout ce qu’il nous donne en partage y compris la remontée forte des images, les clefs essentielles à leur compréhension.
Vibrations, tournoiements, coloris nuancés, où le réel se mélange indéfiniment à l’éphémère !…. Voilà un texte riche, à l’entité enivrante, cosmique, mythologique, éblouissant par ses couleurs, oscillant entre ombre et lumière, dans l’union des contraires, qui , par la puissante des images métaphoriques, et un style que l’on pourrait définir comme néo-réaliste, avec une touche d’impressionnisme , nous plonge dans un climat de fascination, qui reste inscrit dans l’essence même de l’Art, signature interne des grands créateurs.
Réminiscences, c’est la musicalité, la danse même du poème, le lieu sublimé où le lecteur perd souvent pied au bord de l’abîme.
Alice Machado
poète / écrivain
QUATRIÈME DE COUVERTURE
Se souvenir c’est chuter dans le passé.
Je me suis souvenu de l’atelier d’Alain Jullien Minguez, lorsqu’il travaillait sur Icare ; cette mémoire s’imposa à moi comme un centre de gravité … Un mot qui s’invite dans la réminiscence.
La chute d’Icare est donc la réminiscence de nos vies passées.
Me souvenant de sa mort, sa vie me ramena à la mienne et j’ai ainsi commencé un seul et long texte : Cartes postales découpées dans ce voyage de l’âme réminescente !
Au fur et à mesure de l’écriture les mots maculèrent des souvenirs à peine secs, qui n’ont peut-être jamais existé. Dont il n’a jamais été le témoin.
En des voltiges icariennes des souvenances se sont éparpillées en chutant dans ce livre ; comme le peintre aux doigts oranais, tel son perpétuel Icare, j’ai chuté moi aussi pour me taire… Pour taire les origines de nos histoires faites de ruelles enchevêtrées, dont nous étions les frères, seulement.
Dans cet oubli du souvenir, lui seul ne saura jamais de Qui est fait le silence.
Seul le poète sait se taire… susurrement.
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