il se retourne
des pages le suivent
il est inquiet
qui sont ces lecteurs
qui lisent ses paspages
il sait que marcher dans un livre
ce n’est pas démarcher
des croyants
savoir
les trottoirs
qui
fleurissent de prédicateurs encartés
il sait que les livres
n’ont plus aucune importance
les lecteurs attendent
qu’un critique leur disent de lire
le poète
est devenu une image d’Épinal
les poètes
à notre époque
marchent seulement dans des empreintes
oui Guillaume
tes lettres à Lou
n’intéressent que les voyeurs incultes
même le prince de L’Isle-sur-la-Sorgue
est poussiéreux dans les bibliothèques
ils sont ressortis de temps à autre
pour un présentateur
faire son intéressant
devant des immatures
mais
qui peut voir un albatros voler
sans penser à Baudelaire
albatros à terre
…
il est fatigué d’écrire
tous l’ont été
une fois
il est fatigué de jouer
tous ont triché
il est fatigué
de renaître
sans cesse
l’hiver des sens
lui pardonne…
quoi
la fatigue
ou le sens de la déroute
« …Nous sommes tous ici noirceurs et pécheresses.
Vivre ensemble n’est pas très gai !
Sur les murs, des fleurs et des oiseaux
Languissent au milieu des nuages… »*
*01 01 1913
Anna Akhmatova
Requiem poèmes sans héros
(Traduction de JL Backès )
…
derrière sa maison
il prend une vieille route
pleine de trous
comme un cabri
il saute entre les cavités
puis
s’arrête
compte
les déchirures pour vivre
celles pour mourir
ouvrant les yeux
il voit
une grande
et
belle route
sans anfractuosité
il s’y rend
pour faire du stop-auto
avec des émotions
qui passent
la seule qui s’arrête
est un corbillard.
…
dans une brocante existentielle
il achète
un de ses vieux souvenirs
dont il avait oublié l’existence
tout est en ordre
il doit remettre de l’ordre
dans ce désordre
partiel
un albatros passe
au dessus des chaumes
un corbeau
s’acharne sur une charogne
il se demande
si l’évocation n’est pas une supercherie
l’oubli dans le désordre
et la vraie bibliothèque
du poète
oublier demain
hier
ce grabataire
pétri de métaphores
la poète à genoux
dans la glane
regarde la poussière s’élever dans le ciel réaliste
un corbeau
un albatros
se posent sur une fumée broussailleuse
il se moque de lui-même
fauché
il jette ses vers aux oiseaux
…
le retour sur soi
le retour du cimetière
le retour d’une subtile déception
le retour d’une grande douleur
le retour d’une rêve farfelu
fait rire tous les pinocchios
de retour d’un mensonge
de retour d’une tromperie
le nez s’allonge
pour sentir l’aventure sentimentale
nauséabonde
la vérité est la seule vantardise qui plaît à tout le monde
c’est une tacite croyance
…